A l’occasion de l’animation du Salon de l’Habitat de Luçon que j’ai réalisée en juin dernier, j’ai pour la première fois été emportée par une grande vague d’émotions en découvrant ce somptueux site dans lequel j’allais exercer.
Amoureuse de l’Histoire, je suis autant époustouflée, qu’ébahie en arpentant ce lieu à l’architecture 19ème où l’on devine déjà l’influence de l’Eglise dans notre société et notre éducation à cette époque. Un fabuleux bâtiment composé d’une chapelle, d’un cloître sur lequel reposent d’imposants étages se présente à moi et je réalise très rapidement que son état éprouvé par le temps va me raconter une grande histoire.

Avant même d’aller à la rencontre de mon client organisateur, l’ACAP, qui a délibérément choisit ce lieu pour lancer le salon de l’habitat, j’ai besoin de faire parler la pierre, le plancher, les tapisseries d’époques subsistantes, les cheminées dont seul le marbre a pu résister aux aléas du temps. Les pigeons et quelques autres volatiles y ont élus domicile, leur mouvements d’ailes et les courants d’airs traversant les énormes pièces dépourvues de fenêtres sont les seuls signes de vie et de mouvements de ce lieu, pourtant autrefois reflet du Haut pouvoir religieux.
La loi FALLOUX autorisant en 1850 la création d’écoles libres, Monseigneur BAILLES, alors évêque de Luçon, décide de construire un bâtiment pour y fonder l’institution éducative Richelieu. Les travaux commençent en 1851, le collège ouvre ses portes dès 1856 malgré un chantier ralenti, un manque de mobilier. L’insuffisance de professeurs pose aussi problème, poussant les eudistes et les prêtres diocésains à dispenser les cours. Le collège fonctionne pourtant jusqu’au 9 décembre 1905, car lorsque la loi de la séparation de l’Église et de l’État est votée, le collège ferme ses portes et c’est en 1912 que le bâtiment devient propriété de l’Etat.
En 1914, les catholiques en refont l’acquisition pour y faire perdurer l’enseignement et la formation des prêtres mais la bâtisse est réquisitionnée pour en faire un hôpital militaire pendant toute la durée de la première guerre mondiale. En 1921, naît à la place de l’institution Richelieu, « Le Grand Séminaire » qui fonctionnera jusqu’en 1972. Redevenu propriété de la commune, faute de moyens financiers, il est vendu à un grand groupe ayant promis la concrétisation d’un projet de grande ampleur qui ne verra jamais le jour. C’est alors l’abandon total pour ce bâtiment qui subit le vandalisme, la casse, les graffitis et se meurt chaque jour, sa structure s’affaiblissant avec le temps.

2013 : L’année de tous les espoirs : Didier PALARDY ou le paradoxe d’un démolisseur venant à sauver le patrimoine local.
A l’occasion du Salon de l’Habitat j’ai la grande chance de rencontrer et d’interviewer le sauveur des lieux, Didier PALARDY alors à la tête d’une grande entreprise vendéenne de démolition.
Ce paradoxe m’étonne mais je comprends très vite que c’est pourtant à un amoureux du patrimoine à qui je parle, un homme véritablement altruiste qui ne peut se résoudre à voir disparaître la magie des lieux sous les coups acérés de son tractopelle. Il monte à Paris avec son fils Manuel en 2013 et fait l’acquisition aux enchères de ce patrimoine local.
Ils œuvrent ensemble à sécuriser les lieux, à rénover l’endroit le plus sacré, la Chapelle :
Manuel PALARDY s’y investit avec ferveur et passion, y consacre des heures monumentales de travail. Elles se devinent lorsque l’on pénètre dans la nef : le peu de vitrail subsistant est ôté et conservé et pour optimiser au mieux la rénovation, Manuel protège toutes les ouvertures, redonne vie aux arcs d’ogive, offre une nouvelle lumière à la pierre, fait renaître l’âme de cet endroit sacré.
Mais les fonds pour continuer à réveiller 6000 m2 de bâtiment et pas moins de 25000 m2 de terrain peinent à se manifester.
Il faut pourtant continuer à entretenir les lieux, soutenir la bâtisse avec les seuls moyens de la famille sous peine qu’elle ne s’écroule sous le poids du temps.
Didier PALARDY me le confie : « Si personne ne nous vient en aide, si nous ne réussissons pas à faire renaître une activité à travers des évènements et autres initiatives, le bâtiment étant très fragile nous serons obligés d’en faire appel à mon savoir-faire pour tout raser, il n’y aura pas d’autres solutions et je pèse mes mots». « Nous avons espoir que les acteurs du patrimoine, les donneurs anonymes, les mécènes se manifestent, car sans eux, nous ne pourrons pas continuer ».
Ce lieu historique révèle pourtant un potentiel énorme, voué à devenir un haut lieu culturel, un beau lieu de rencontres évènementielles, un lieu qui ne m’a pas laissée indifférente au regard du métier créateur d’émotions qu’est le mien. Je me projette déjà à organiser des évènements dans la chapelle, à organiser un rassemblement de véhicules de collections. J’apprends quand même que ce site suscite l’intérêt des producteurs de films ou de clips car il a déjà servi de plateau de tournage. Bref, ce lieu n’est pas exploité à sa juste valeur.
En quittant « le Grand Séminaire », je remarque aussi cette entrée discrète qui mène aux fondations du bâtiment : j’y devine une cave exceptionnelle et me plais à imaginer qu’elle puisse accueillir la production de la célèbre « trouspinette » vendéenne ou les plus grands vins de France. On célébrerait ainsi un mariage fondé sur 2 emblématiques symboles du patrimoine français, le vin et la pierre, tant d’autres pays nous envient cette richesse identitaire.
A la même époque Victor Hugo l’écrivit : « L’architecture est le grand livre de l’humanité, l’expression principale de l’homme à ses divers états de développement, soit comme force, soit comme intelligence »
Comment sommes-nous devenus à ce point l’expression de tant de faiblesse et de dissension ?
